Tribune. Forte d’une pleine diversité à travers l’ensemble des territoires qui la composent, la France recense 75 langues dites régionales. Facteur de division pour certains, ce nombre révèle pourtant selon nous une tout autre acception : celle d’une incroyable richesse de l’humanité au sein même de notre pays, hélas grandement sous-estimée et même parfois délaissée. Si ce n’est abandonnée.
La France ne parvient toujours pas à reconnaître à sa juste valeur ce trésor national qui est aujourd’hui en péril. Toutes ces langues, à l’exception du français, sont en effet aujourd’hui classées par l’Unesco en danger, voire en grand danger d’extinction et donc menacées de disparition. Car oui, notre République s’est construite au fil du temps selon un modèle centralisé et unitaire jacobin, si bien que la France est aujourd’hui l’une des démocraties les plus centralisées dans le monde. Ce modèle a conduit à la construction d’une unité nationale à travers, notamment, l’usage imposé dans la sphère publique de la seule langue française.
Mission accomplie donc. Mais à quel prix ? Pour ce faire, les enseignants avaient autrefois pour instruction de punir les élèves récalcitrants qui s’exprimaient dans leur langue et non en français. Ce qui fut très humiliant. Dès lors, toute forme de vie culturelle, familiale et sociale qui avait cours dans une autre langue que le français a été méprisée voire interdite. Pour beaucoup de Français, il s’agit pourtant de la langue de leurs parents ou grands-parents. Lorsque ces langues ne sont plus transmises, c’est une part de notre identité et de notre manière de voir et de dire le monde qui disparaît.
Le 8 avril, la proposition de loi du député Paul Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion a été définitivement adoptée [à l’Assemblée nationale, en deuxième lecture et en version conforme à celle déjà adoptée par le Sénat en décembre 2020] par 247 voix, y compris celles de nombreux députés de la majorité, contre 76, alors même que le gouvernement s’était prononcé contre l’adoption de ce texte.